mardi 6 décembre 2016

Combinatoire

Chanson combinatoire en déca- et heptasyllabes sur quatre rimes (texte collectif). Lundi 31/10/2016 avec Martin Granger.

Mode d'emploi : prendre au hasard un vers dans la colonne des « ille », puis un vers dans celle des « eau », puis un vers dans celle des « ère » puis un vers dans celle des « a ». Recommencer ad libitum. Le thème richesse–pauvreté est inspiré de la balade du matin dans les Marolles.

Devant mon compte en banque je vacille
Facture reçue : mon cœur se fendille
Partout où tu vas, prends, vole, grappille
Mais tout ça dans le fond n'est que broutilles
La vie parfois ne tient qu'à une fille
Dans ma poche, quelques euros frétillent
Comment survivre ? Donnez-moi des billes !
J'aurais bien pris l'entrecôte aux morilles
V'là du foie gras pour nourrir les gerbilles
Assoyez-vous Monseigneur je vous prie
Le mendiant rapièce ses guenilles
Sortez Médor pendant que je m'habille
Ce doux vison me vient de ma famille
Les pauvres sont élevés en batt'rie
Quand on est pauvre on meurt pour sa patrie
Ici et là les filles sont gentilles
De pied en cap et vêtu de guenilles
Oublions les falbalas les mantilles
Élançons-nous, faisons tinter nos trilles
Rêvons de brocards de soie aux chevilles
En espérant que rien ne parte en vrille
On peut aimer les plus sales guenilles
Sûr qu'elle brille comme l'or, la vie
Dormir dans la paill' manger des brindilles
Les pauvres meurent sans joie ni furie
Il ne faut adorer que ce qui brille
Gigot, caviar, chanterelles, morilles
Car c'est toujours les plus pauvres qu'on pille
En cuisinant une soupe aux lentilles
Des demoiselles portant des mantilles
Au loin, Grenade, ville de Castille
Tu joues bien mal à l'éternelle fille
Bien sûr contre nous de la tyrannie
Je vis des quelques sous que je grapille
Je récupèr' ce que d'autres gaspillent
Je rêv' de m'envoler pour les Antilles
Moi aussi j'aime bien tout ce qui brille
Parquets en chêne et lustres à pampilles
Faut partager ? Je retire mes billes
On ne veut pas des trottoirs de Manille
Le fric s'affich' jusque dans les pampilles
Jeu de baccarat ruine la famille
Ventre creux que détresse et faim tortillent
Vagabond ne portant que des guenilles
Là-bas on trouve des petites filles
Sous le lustre tout garni de pampilles
Qu'elle sent bon l'omelette aux morilles
Le saumon fumé réjouit les papilles
Les pieds nus dans de vieilles espadrilles
Quand les soucis volent en escadrille
Des biens précieux mais pas de peccadilles
Nulle orchidée, un bouquet de jonquilles
Je t'aurais bien offert une mantille
Le matador seul dans l'arène grille
Un verre de champagne t'émoustille
Allons vaillants enfants de la patrie
Quel merveilleux clafoutis aux myrtilles
Quand reviendra la saison des myrtilles
Les novices porteront des mantilles
Nous boirons un grand bol de camomille
Écrivant un sonnet de pacotille
Tous nous entonnerons sous la charmille
Cosette porte un manteau de guenilles
Tendez un drap que je me déshabille
Je vous invite à danser le quadrille
Quel que soit le niveau de ta famille
Il faut savoir quand retirer ses billes
On peut être à la fois riche et gentille
La pauvreté ça fait partir en vrille
Quand j'ai des sous, moi je les éparpille
Il n'y a pas d'or derrièr' tout ce qui brille
Pour tout repas un' salade flétrie
Dans une vieille masure noircie
Pour seul pass'-temps les enfants jouent aux billes
Impuissants comm' les pièces d'un jeu d' quilles
Hors de la vill' la pauvreté bannie
L'assemblée des nantis s'est réunie
Vase en cristal rempli de fleurs jolies
Tristesse ou joie, chaque jour un œil brille
Grasse ou maigre chair le ver se tortille
À quoi bon écouter tous ceux qui crient
Dans la soie ou la paille mais blottie

                              *

Écrasés par les impôts
Submergé par le boulot
La vie c'est pas rigolo
Aux mains d'un vieux gigolo
Pas d'autre av'nir que prolo
Consommateurs et badauds
Au menu : tranch' de gigot
Afficher sa belle auto
Avec le pain, du choco
Pour être pendu plus haut
Pas tous le même dodo
Brulez-vous si c'est trop chaud
Faut du fric pour fair' le beau
Tous les soirs c'est pât's à l'eau
T'as qu'à jouer au loto
Le pauvre est toujours salaud
Tu auras ta poule au pot
Pour pas finir au cachot
En mangeant des artichauts
C'est ça, la vie de prolo
Pendu au portemanteau
À grimper sur les rideaux
Poux sur la tête à Toto
Car c'est la fin des dodos
Les Marolles dans la peau
Entre un bouge et un tripot
Invention de l'Oulipo
Pourquoi pas un sombrero ?
On reviendra du Congo
Vivre avec quarante euros ?
Faim, soif, et rien sur le dos
Vous valez mieux qu'un clodo
Reste au pain sec et à l'eau
On voit mourir le taureau
Donne une obole au clodo
Sur la table, les cadeaux
Le lard cuit sur le fourneau
On discute bien au chaud
On ne boit pas que de l'eau
Le chien errant sort ses crocs
Tout coute cher, tout est beau
L'accordéon pleure un do
On nous prend pour les soûlots
Poche sans le moindre écot
Pauvre gueux dans le ruisseau
L'or se perd sous les râteaux
Rajoutons deux-trois zéros…
Pas de gêne on paie banco
Comptoirs, œuf dur, quel cadeau !
Qui voudrait vivre au Congo ?
Faudrait gagner au Loto
Dans les poubell's du métro
Cantine et tickets resto
Je hais les riches tacots
Je reviens seule à vélo
Dormir sous de vieux journaux
Pain blanc, saucisse et mégot
Huitres et champagne sur l'eau
La richesse est un gros mot
Tant va la misère à l'eau
Crachez sur les oripeaux
Par ici le gros magot
L'égalité n'est qu'un mot
Vaut mieux cacher ses lingots
C'est la vie d'un cheminot
J'ai pas tiré le gros lot
Foin du temps des oripeaux
En route les étourneaux
Enivrons-nous de bordeaux
Et le thé sur un plateau
Faisons bête à deux dos
Un cigare et du Porto
Le peuple courbe le dos
Ça sent la Veuve Clicquot
Le nez dans le caniveau
C'est la chanson du clodo
On ne fait pas de cadeau
La vie c'est pas du gâteau
La vie fait pas de cadeau !
Faut pas dépenser idiot
On vit pas que d'air et d'eau
Tout à coup, soudain, rideau !
Ca retourne le cerveau
Qui tombe dans le panneau ?
Et zut, j'en ai plein le dos !

                           *

Tu me défies dans ta posture fière
Tu portes haut ton habit de lumière
On t'adule autant qu'un Dieu sur la terre
Assise au bord de la rout' je prends l'air
Que faire avec un diplôm' de misère ?
L'argent, c'est clair, c'est ce que je préfère
Bientôt, le grand héritage du père
Loin là-bas au pays des phacochères !
Trop d'ambition conduit à la misère
Mes domestiques avaient du savoir-faire
Ne prenez pas vos airs de prolétaires
Il y a pas d'mal à faire bonne chère
Qu'est-ce que ça sent ? L'urine ou bien la bière ?
Mais quelle horreur la casquette à l'envers
Il y a plein d'place au Secours Populaire
J'ai de l'argent qu'est-ce que ça peut vous faire ?
En février je vais à Val d'Isère
J'ai du cristal dessus mes étagères
La misère est misérable, misère !
Les pauvres ne sont que des vers de terre
Unissez-vous donc enfin, prolétaires !
Le pot de fer se rit du pot de terre
Si l'on n'a rien on a bon caractère
Je ne veux voyager qu'en classe affaires
Loin du chic et des ors des ministères
Quand je s'rai grand je serai actionnaire
J'vois passer les avocats, les notaires
Certains pour manger, tueraient père et mère
Quand on est riche il faut en avoir l'air
Pouvoir s'offrir des plaisirs éphémères
N'avoir que l'identité de misère
Un régal ce plateau de fruits de mer
Je prendrai l'ile flottante au dessert
L'accordéoniste joue un vieil air
Les chineurs vendent livres et bréviaire
Tout comme dans la chanson de Prévert
De père en fils ils allaient à la guerre
De fils en père on les mettait en bière
Mourir de rire en mordant la poussière
Penser aux jours meilleurs dans sa galère
Fouler au trot les allées cavalières
Le front bien haut sous la porte cochère
Toi tu es contrôlé à la frontière
J'aurais bien épousé une banquière
Pour blanchir faut connaitre les filières
Comme unique terrain d'jeu la bruyère
Seule ressource : des amis solidaires
Osez résister, sautez les barrières !
Devoir toujours se donner des grands airs
Tous les cailloux sont de précieuses pierres
Qu'il faisait bon auprès de la chaudière
Mange ton steak et passe la salière
Gavez, gavez, il n'en restera guère
Toujours comme si c'était la dernière

                              *

Et ça va couter un bras
Du satin sur le mat'las
Des desserts au chocolat
Le financier se mang' froid
Mayonnaise et tortilla
Comme un chat ou comme un rat ?
Fatigué et raplapla
Pas de feu et peu de bois
Pas de dessert au repas
Fortune repassera
Petit pas cahincaha
Pauvreté est dure loi
S'amoncèlent les gravats
Remplissez mon verre à ras
Être traité en paria
Cylindrées et tralala
Dormir dans un galetas
Je charge la muleta
Mon sang gicle sur tes bas
J'expire vers mon trépas
J'irais bien à l'opéra
Et les stars de cinéma
J'aim'rais ne plus avoir froid
Champagne et tout l'tralala
Caviar et bons petits plats
La vraie vie c'est le foie gras
Ah, ça ira, ça ira !
Passer de vie à trépas
Quand tout se fane ici-bas
On crèv'ra tous comme des rats
Dans la soie et le taff'tas
Eh ! Faut signer le TAFTA !
Les richards ont tous les droits
Quand on fait des chèqu's en bois
Reprendrez-vous du foie gras ?
Un' grand' frite et un Coca
Qui saurait manger du rat ?
En baskets on n'entre pas
Chez BNP Paribas
'Tention, c'est du Baccarat
Quel horrible trou à rats
Mon portemonnaie est plat
Pas de fric, pas d'chocolat !
Où part l'argent de l'État ?
L'or est sous le matelas !
Mais j'habite avec un rat
Prends-toi un bon avocat

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